La Cour de cassation confirme le caractère général de la disposition anti-abus
La vente d'actions de sociétés en surliquidité suivie de plusieurs transactions constitue un abus fiscal. C'est ce qu'a jugé la Cour d'Anvers en 2022 et ce que confirme aujourd'hui la Cour de cassation.
La Cour d'appel d'Anvers a donné tort à un contribuable lors de la vente d'actions de sociétés ayant un excès de liquidités suivie de plusieurs transactions. Elle avait jugé, à l’époque, qu’il s’agissait d’un abus fiscal, et la Cour de cassation l'a suivie dans cette voie (11 janvier 2024).
Rappel des faits
Un père vend à son fils et à un tiers les actions de ses sociétés. Celles-ci disposent d'importantes liquidités. Les opérations de cession d'actions ont été suivies de l'octroi de plusieurs prêts intra-groupe, de paiements de dividendes et de fusions silencieuses. L'administration fiscale, suivie par la Cour d'appel d'Anvers, a considéré qu'il y avait un abus fiscal, notamment parce que les liquidités excédentaires ont été acquises par le vendeur avec exonération d’impôt par le biais d'un ensemble complexe d'opérations juridiques.
L'arrêt de la Cour d'appel d'Anvers a fait l'objet d'un pourvoi en cassation de la part du contribuable.
La Cour de cassation clarifie l'application de la disposition anti-abus
Le pourvoi en cassation remet en cause l'arrêt de la Cour d'appel concernant l'application de la disposition générale anti-abus de l'article 344 du CIR/92. La Cour de cassation adopte des positions strictes (pour le contribuable) mais juridiquement claires.
Choix personnel ou implication personnelle dans les actes juridiques
L'argument du contribuable repose sur l'idée qu'il peut certes décider de vendre ses actions, mais qu'il n'a ensuite pratiquement aucune influence sur les décisions prises par les actionnaires acquéreurs (y compris les paiements de dividendes de la filiale à la société mère, qui seront ensuite versés au vendeur). Étant donné qu'il n'a pas participé à toutes les transactions qui ont finalement abouti à l'obtention de l'avantage fiscal, il ne peut y avoir d'abus fiscal de sa part, estime le contribuable.
La Cour de cassation précise les points suivants à cet égard :
- « L'unité d'intention nécessaire pour parler d'un ensemble d'actes juridiques n'exige pas que le contribuable participe formellement à tous les actes juridiques. »
- Avant cela, la Cour précise qu'un ensemble d'actes juridiques présuppose que : « L'unité d'intention existe entre les différents actes juridiques, qui ont été conçus dès l'origine comme appartenant à une chaîne indivisible ».
Il convient de mentionner que les faits de cette affaire ont montré que le contribuable a pris les décisions finales sur l'utilisation des réserves de sa société au cours des négociations avec l'acheteur.
En tout état de cause, ce point de vue de la Cour confirme que la disposition anti-abus a un large champ d'application. Cela semble permettre d’infirmer dans une certaine mesure la séparation juridique entre l'actionnaire et la société, en ce sens que les décisions des actionnaires sont identifiées à celles de la société dont ils sont ou ont été actionnaires.
Lien de causalité entre les différents actes juridiques
La disposition générale anti-abus peut être appliquée à un acte juridique ou à un ensemble d'actes juridiques. La Cour confirme qu'il est erroné en droit de supposer qu'un « lien de causalité nécessaire entre tous les actes juridiques » est requis.
Ainsi, si une unité d'intention peut être déduite de l'ensemble des actes juridiques, il n'est pas nécessaire d'examiner également tous les actes juridiques séparément.
D'après l'analyse de la Cour, l’« insertion » d'un acte juridique qui ne constitue pas en soi un abus fiscal ne peut pas faire de différence tant qu'une unité d'intention peut être attribuée à l'ensemble plus large d'actes juridiques.
Les conséquences d'un abus fiscal avéré
La disposition anti-abus stipule que la conséquence de l'abus constaté est de rétablir la base imposable et le calcul de l'impôt de manière à ce que l'opération soit soumise à l'impôt conformément à l'objectif de la loi, comme si l'abus n'avait pas eu lieu.
Selon la Cour, le « rétablissement » n'étant effectué qu'à des fins d’imposition et n'affectant pas les conséquences de droit civil de la ou des transactions effectivement réalisées, les droits de propriété des tiers impliqués ne sont pas niés. Par conséquent, le rétablissement ou le « remplacement » ne devrait pas être soumis à l'opposition de tiers, tels que la société.
Conséquences pour les sociétés disposant de liquidités excédentaires
Il est important de s'attarder sur un certain nombre d'aspects lorsque vous souhaitez, en tant qu'actionnaire, initier la cession d'une entreprise ayant un excédent de liquidités.
À la suite de l'arrêt susmentionné de la Cour de cassation, dans les situations d'acquisition très complexes où l'on peut douter de l’« unité d'intention » en matière d'abus fiscal, il semble plus approprié que jamais, par exemple, de demander une décision anticipée au service des décisions anticipées en matière fiscale.
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